L’édition 2024 du BeauFFestival,du 10 au 12 octobre,à Poitiers. BEAUFFESTIVAL Lunettes et casquettes de cycliste,bobs Ricard,bananes holographiques,tee-shirts à l’effigie d’enseignes comme Lidl ou Auchan Yes. Depuis 2023,plus de 3 000 personnes se parent de tous les attributs associés au mauvais goût franchouillard pour se retrouver au BeauFFestival,organisé dans une zone industrielledu nord de Poitiers. En plus des concerts,ils sont invités à participer au concours de tuning en carton et au « plus grand Madison du monde ». « On est tous le beauf de quelqu’un. Le but du festival,c’est de jouer sur cette limite entre le passable et le ringard,pour s’autoriser à faire des choses qu’on n’oserait pas du tout au quotidien »,assure Théophane de Roeck,musicien et créateur de l’événement. Dans le même genre,en mai 2024,le premier Slipfest a rassemblé 5 000 participants à Saint-Herblain,près de Nantes,avec au programme un concours de lancer de tongs,une compétition de cris de cochon et un championnat de coupe mulet. Mais depuis quand est-il de bon goût de revendiquer son « côté beauf » ?
L’archétype,né en 1973 sous le crayon de Cabu,est d’abord pensé comme un repoussoir absolu. Dans les colonnes de Charlie Hebdo,ce personnage,inspiré du beau-frère du dessinateur,est à la fois raciste,misogyne et homophobe,il aime donner son avis sur tout sans jamais réfléchir. « Avec son marcel,ses moustaches,ses claquettes au pied,il renvoie à une vision essentialiste de l’homme de classe populaire,telle qu’il est vu par la petite bourgeoisie »,pointe le sociologue Gérard Mauger. Pour l’auteur du livre Les Classes sociales en France (La Découverte,2024),ce personnage incarne un changement de regard sur le prolétariat dans l’après-Mai 68 : « Jusqu’alors,le mouvement gauchiste portait une vision enchantée de la classe ouvrière. Dans les années 1970,au moment où l’idéal révolutionnaire s’efface,il laisse place à une disqualification des classes populaires,qui s’incarne dans la figure du beauf. »
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