Au procès de Christophe Ruggia, la procureure retrace le fil d’une emprise progressive sur Adèle Haenel et requiert une peine de prison

Adèle Haenel,au Palais de justice de Paris,lors du procès de Christophe Ruggia,le 10 décembre 2024. ALAIN JOCARD / AFP « Cette audience doit rappeler l’interdit,qui était l’adulte,qui était l’enfant,elle doit remettre le monde à l’endroit » : c’est avec ces mots que la procureure,Camille Poch,a requis,mardi 10 décembre,la condamnation à cinq ans de prison,dont deux ans ferme aménagés sous bracelet électronique,à l’encontre de Christophe Ruggia,jugé pour agressions sexuelles sur Adèle Haenel entre ses 12 et ses 14 ans.

A l’issue de deux jours d’audience souvent tendue,dans une salle comble du tribunal correctionnel de Paris,la procureure a mis en avant « le discours constant,cohérent et clair » de l’actrice pour retracer le fil d’une « emprise progressive »,du tournage du film Les Diables,en 2001,jusqu’à la centaine de samedis après-midi passés au domicile de Christophe Ruggia jusqu’en février 2004. Quant au réalisateur,« il avait toute sa conscience d’adulte pour agir autrement »,a-t-elle insisté.

Depuis lundi,Adèle Haenel,le visage fermé,l’allure raide,les poings serrés,contenait visiblement sa colère. Elle a fini par exploser,de manière glaçante,mardi en début d’après-midi. « Ferme ta gueule ! »,a-t-elle hurlé à l’attention du réalisateur avant de quitter,pour quelques minutes,la salle d’audience. Ce point d’orgue d’un face-à-face douloureux,Me Anouck Michelin,l’une de ses avocates,dit en avoir l’explication : « Monsieur Ruggia,vous l’avez fait sortir de ses gonds parce que vous avez sali une enfant. Ce diamant,vous l’avez martelé comme un mauvais artisan. Seulement voilà,un diamant,ça résiste. C’était ça le plus dur pour vous. Elle ne voulait ni de votre amour,ni de votre adulation,ni de vos mains. Vous serez à jamais l’accident de croissance d’un diamant brut. »

Un tournage difficile

Ce procès très attendu,parce qu’emblématique du mouvement #MeToo au cinéma,n’aurait pas eu lieu sans l’enquête et l’entretien d’Adèle Haenel publiée en novembre 2019 par Mediapart. « Cet article est un procès stalinien qui a détruit ma vie,il fallait un #MeToo en France,c’est tombé sur moi »,a fulminé Christophe Ruggia. L’actrice aux deux Césars avait choisi de « briser le silence ». Elle accusait le réalisateur,qui l’avait dirigée dans Les Diables,d’« attouchements » et de « harcèlement sexuel ».

A l’époque des faits,la comédienne,dont c’était le premier tournage,avait 12 ans et le cinéaste 36 ans. Après les révélations de Mediapart,le parquet de Paris avait ouvert une enquête pour « agressions sexuelles » sur mineure de moins de 15 ans « par personne ayant autorité ». Adèle Haenel – qui avait refusé dans un premier temps de saisir la justice – avait finalement porté plainte.

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