Elle défend depuis plus de vingt ans les femmes victimes de viol. Anne Bouillon,avocate pénaliste et féministe affichée,raconte le « combat de [sa] vie » dans un ouvrage engagé,Affaire des femmes. Une vie à plaider pour elles (L’Iconoclaste,296 pages,21,90 euros),où elle décrit,à partir de situations réelles,les différents types de viols qu’elle rencontre,dont celui « d’opportunité ».
Vous établissez dans votre livre une typologie des viols. En quoi consiste-t-elle ?
Le viol est le crime le plus banal qui soit. Nos tribunaux en sont pleins. J’ai pu observer dans ma pratique,de façon empirique,que ce crime peut avoir différentes fonctions. Le viol de prédation,perpétré par des hommes qui élaborent des stratagèmes,renvoie au stéréotype habituel du violeur déviant,mais il est loin d’être le schéma le plus fréquent.Il n’a pas élaboré de stratégie,mais,à la faveur d’un petit matin désinhibé par l’alcool et d’une envie de sexe,il viole cette femme parce qu’elle n’oppose aucune résistance. Devant la cour d’assises,il explique qu’il « ne [pensait] pas que cela la dérangerait ». Sans doute n’en a-t-il pas conscience,mais il a la perception distordue que le corps des femmes est à sa disposition à condition de ne pas se faire prendre.
D’où vient cette perception ?
L’idée de disponibilité du corps des femmes est le fruit d’un héritage,celui d’un système de domination qui continue de structurer notre société malgré ses évolutions. Penser que le violeur est un déviant est une facilité de raisonnement qui est contredite chaque jour dans les prétoires. Vouloir pathologiser ou marginaliser la figure du violeur est un processus facile pour faire l’économie d’une introspection nécessaire à l’éradication du viol.Il vous reste 15.38% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.