Dans les facultés de médecine, le bizutage persiste, « continuum où la victime devient le bourreau »

Lorsqu’il a accueilli la nouvelle promotion d’étudiants en médecine,début septembre,le doyen de la faculté de Rouen a terminé son propos par une diapositive des plus claires : « Attention aux risques de viol. » Dans l’amphithéâtre,« il y a eu un long blanc »,relate Benoît Veber. « J’explique que la perte de contrôle due à la consommation d’alcool met en danger les étudiantes et que se réveiller auprès d’un inconnu au petit matin sans se souvenir de rien laissera des séquelles,détaille-t-il. J’explique aux étudiants que le viol n’est pas une modalité de séduction,que c’est un crime qui donne lieu à un signalement au procureur si je suis au courant. »

Depuis 1998,la loi a fait du bizutage un délit : amener autrui,contre son gré ou non,à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants ou à consommer de l’alcool de manière excessive,lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire,sportif et socio-éducatif est passible de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. Mais « la parole du doyen n’est pas suffisante »,constate Benoît Veber : dès le lendemain,après une soirée d’intégration,« deux mamans sont venues me trouver pour m’annoncer que leurs filles n’étaient pas rentrées le soir et que leurs sacs avaient été retrouvés par la police ».

Le 4 septembre,à Lille,le tribunal correctionnel aurait dû juger trois étudiants en médecine : deux pour bizutage et incitation à la consommation excessive d’alcool et un pour complicité de bizutage. Les faits remontent au 8 juillet 2021. Tout juste reçu en médecine,Simon Guermonprez,19 ans,qui ne consommait presque jamais d’alcool,selon ses parents,en a bu une grande quantité à l’aide d’une énorme seringue placée dans la bouche. Il est mort aux premières heures du 9 juillet,percuté par un camion sur l’autoroute,après avoir vraisemblablement tenté de récupérer son téléphone portable sur la voie.

« Violences systémiques »

L’avocat des parents,Me Damien Legrand,a obtenu le renvoi du procès au 11 février 2025. Objectif : que la justice poursuive non seulement les trois étudiants,mais également la faculté de médecine de Lille,pour faire de l’événement « le procès du bizutage »,explique-t-il. Un rapport de l’inspection générale de l’éducation,du sport et de la recherche,daté de mars 2022, mais communiqué à l’avocat fin août 2024,met en effet en lumière,de la part du doyen local,une « volonté d’omerta,notamment en l’absence de toute procédure disciplinaire liée à des violences ou à des faits d’intégration d’étudiants en médecine depuis de nombreuses années,faits largement connus de tous ».

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