Un campement de tentes,soutenu par les associations Utopia 56 et Droit au logement,sur la place de la Bastille,à Paris,le 6 août 2024. TERENCE BIKOUMOU POUR « LE MONDE » A quelques minutes de marche de l’éphémère parc des Nations,lieu emblématique de célébration des Jeux olympiques (JO),une file d’attente qui n’a,elle,rien de temporaire,s’allonge,avenue de la Porte-de-La-Villette,dans le 19e arrondissement parisien. Mercredi 7 août,plusieurs centaines de personnes en situation de très grande précarité attendent un repas chaud.
« Regardez-nous,regardez comme la France est belle et propre,souffle Issam (un prénom d’emprunt,comme pour la plupart des personnes citées). Il y a la France des JO,la France des touristes,et puis tout autour,il y a ce qu’on préfère ne pas voir,des gens comme moi pour qui rien ne bouge. » Ou presque rien : depuis un an qu’il vit à la rue,expulsé d’un foyer,cet homme de 46 ans,venu d’Algérie,n’avait jamais vécu autant de contrôles policiers. « Paris fait la fête,mais moi,je me sens encore plus regardé d’en haut,encore plus gênant,avec mon sac à dos. Je suis celui qui fait peur »,déplore-t-il.
Le grand réfectoire où l’association La Chorba sert les repas fait le plein. Dès la fin d’après-midi,une file d’attente s’est formée le long du bâtiment,qui jouxte la salle de concerts du Glazart. Des hommes pour l’essentiel,majoritairement sans papiers et à la rue. Pauline Duhault,l’une des responsables de l’association,n’a pas constaté de baisse de fréquentation depuis le début des Jeux olympiques. « Nous servons toujours 700 à 800 repas par service,dit-elle,mais nous voyons beaucoup de personnes nouvelles,et nettement moins de mineurs non accompagnés. »
Misère discrète
Une fois les plateaux reposés,le dîner se termine par un thé ou un café,à l’extérieur. Dans la file,Sadiq,37 ans,originaire d’Algérie,passe la nuit sous une tente à Antony,dans les Hauts-de-Seine,et travaille « au noir de temps en temps dans le bâtiment ». Lui aussi témoigne d’une multiplication des contrôles depuis le début des Jeux : « Je n’ai pas de papiers,mais la police me laisse partir. » Même constat pour Walid,46 ans,Tunisien,chemise écossaise ouverte sur un tee-shirt barré du titre de la série Stranger Things,qui fait les marchés « au noir » et dort dans la rue,porte de Clignancourt.Akram,40 ans,« en situation régulière » et à la rue depuis qu’il s’est séparé de sa femme l’an dernier,dort à côté de la gare de Lyon ou dans un parc. Il s’apprête à commencer une formation de cariste. Lui non plus n’a pas été particulièrement inquiété par les forces de l’ordre. Cette misère-là,discrète,à distance des lieux des épreuves olympiques et du centre touristique de la capitale,n’est pas la priorité de la Préfecture de police de Paris,tant qu’elle reste sous les radars.
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